Après les sublimes construction purement mécaniques de Babbage au XIXème siècle naquirent les ordinateurs mêlant la mécanique avec l’ électricité lors de la seconde guerre mondiale. Ils furent les prédécesseurs immédiats des ordinateurs électroniques qui sont les pères des machines actuelles. Leur inventeur fait partie des scientifiques maudits parce qu’ à l’ époque allemand : Konrad Zuse.
Ce scientifique allemand est considéré comme le cerveau derrière le premier ordinateur programmable fonctionnel en calcul binaire et à virgule flottante : le légendaire Z3 de 1941.
La conception et la construction de cette merveille technologique, l’ancêtre de nos ordinateurs actuels, ont débuté en 1937 et se sont achevées quatre ans plus tard. Cet ordinateur révolutionnaire, utilisé principalement pour améliorer les designs aérodynamiques, a été malheureusement détruit en 1944, victime des bombardements alliés pendant la Seconde Guerre mondiale. Inspiré par le système binaire mis au point par Gottfried Wilhelm Leibniz au XVIIème siècle, Zuse a probablement tiré parti des travaux de George Boole sur l’algèbre binaire, aussi appelée « booléenne », et des idées de Claude Shannon pour appliquer cette algèbre aux relais téléphoniques afin de créer des machines logiques. Les innovations de Zuse rappellent étrangement celles de Charles Babbage, bien qu’il n’ait découvert les travaux de ce dernier qu’après la guerre.
Zuse se démarquait cependant de ses contemporains. Alors que d’autres comme Alan Turing ou John von Neumann se focalisaient sur la conceptualisation et la publication avant de se lancer dans des applications concrètes, Zuse était avant tout un ingénieur, motivé par la production et le profit. Il a passé la majeure partie de la période 1936-1945 dans un isolement intellectuel presque complet, ses travaux restant largement inconnus de la communauté scientifique allemande, voire internationale.
Incarnant une avancée majeure dans le domaine du calcul programmable, le Z3, conçu par Konrad Zuse, se distingue par ses caractéristiques impressionnantes. Avec une vitesse de calcul moyenne de 0,8 seconde pour une addition et de 3 secondes pour une multiplication, cet appareil révolutionnaire a changé la donne de l’époque.
Au cœur du Z3, on trouve une unité arithmétique binaire à virgule flottante fonctionnant avec des mots de 22 bits. Celle-ci est capable de réaliser diverses opérations, allant de l’addition et la soustraction à la multiplication, la division et même l’extraction de racines carrées. Il est à noter que ces fonctions sont effectuées avec une précision remarquable. La mémoire de la machine est également digne d’intérêt. Avec sa capacité à stocker 64 mots d’une longueur de 22 bits, le Z3 était bien en avance sur son temps. Les programmes sont chargés via un ruban perforé, une technologie très novatrice pour l’époque.
L’entrée et la sortie des données étaient en nombres décimaux en virgule flottante, facilitant ainsi l’interaction avec la machine. Un terminal équipé d’un clavier et d’une ligne de lampes pour afficher les résultats rendait le Z3 plus accessible et convivial. Malgré ces fonctionnalités avancées, le Z3 était loin d’être un monstre de la taille de la machine de Babbage. Le système était composé d’environ 2000 relais – dont 1400 dédiés à la mémoire – et fonctionnait à une fréquence de 5,3 Hz. Son poids total n’était que d’environ 1000 kg, ce qui est impressionnant pour une machine de cette puissance.
Le Z3 était capable de produire une puissance de calcul réelle d’environ 20 flops, tout en consommant environ 4000 watts. Cette combinaison de puissance et d’efficacité énergétique était en avance sur son temps, faisant du Z3 un pionnier du calcul programmable. Aujourd’ hui, une telle machine tient dans le creux de la main ! Vertigineux !
Contrairement à de nombreux autres scientifiques allemands de premier plan à la fin de la guerre, Zuse n’a pas été courtisé par les Russes ou les Américains, probablement à cause de son manque de visibilité et de la nature confidentielle de ses travaux. La contribution la plus significative de Zuse à l’effort de guerre allemand a été ses calculateurs spécialisés S1 et S2, conçus pour l’Institut de recherche aérodynamique. Ces calculateurs étaient destinés à optimiser l’aérodynamique des ailes des bombes guidées Henschel Werke Hs 293 et Hs 294, considérées comme les précurseurs des missiles V1.
Zuse a également imaginé le premier langage de haut niveau, le Plankalkül, bien qu’il ne soit jamais parvenu à l’utiliser, faute de spécifications adéquates et d’une machine capable de le supporter. Ce langage est resté dans l’obscurité jusqu’à sa publication en 1972, bien après la sortie du Fortran en 1950. Ce n’est qu’en 2000 que le Plankalkül est devenu opérationnel, grâce à une équipe de l’université libre de Berlin qui a développé une implémentation à des fins historiques.
En 1945, l’Union soviétique aurait récupéré les calculateurs S1 et S2 de Zuse, suggérant que les premiers missiles russes ont peut-être bénéficié de ses travaux innovants. Cependant, cette affirmation, tout comme beaucoup d’aspects de la vie et de l’œuvre de ce pionnier méconnu, reste sujette à débat.
Rappelons que le premier concept connu d’un calculateur programmable remonte au XIXe siècle, avec la machine analytique imaginée par Charles Babbage. Malheureusement, sa complexité décimale empêcha son incarnation concrète, contrairement au modèle binaire plus simple du Z3. Cependant, en 1991, une réalisation historique a vu le jour : le moteur de soustraction de la machine de Babbage, basé sur ses plans d’origine, a été construit et fonctionnait parfaitement. Ada Lovelace, proche collaboratrice de Babbage, est souvent créditée comme la première programmeuse théorique d’une machine inexistante, tandis que Zuse se distingue comme le premier programmeur d’une véritable machine.
L’Angleterre a accueilli les premiers ordinateurs électroniques, les 10 unités du Colossus, surpassant même l’ordinateur non programmable Atanasoff–Berry. Equipés de tubes à vide et utilisant la représentation binaire, ces calculateurs étaient programmés par le biais de câbles et de relais. Pendant longtemps, le secret entourant leur développement a semé la confusion dans les revendications de primauté dans le domaine de l’informatique. Après la guerre, l’ENIAC est apparu, se présentant comme le premier ordinateur électronique conçu pour être totalement compatible avec les machines de Turing. Contrairement au Z3, qui utilisait des relais électromécaniques, l’ENIAC recourait à des tubes à vide comme commutateurs. Cependant, son système décimal et la nécessité de reconfigurer de nombreux câbles pour la programmation jusqu’en 1948 le rendaient moins pratique.
Il faut attendre 1948 avec la Small-Scale Experimental Machine et 1949 avec l’EDSAC pour voir apparaître les premiers ordinateurs à architecture de von Neumann, où les programmes étaient stockés à l’intérieur de la machine elle-même. Bien que ce concept porte le nom de John von Neumann, il faut noter qu’il s’inspire des travaux d’Alan Turing et que l’idée avait été proposée par Konrad Zuse en 1936 dans un brevet malheureusement refusé à l’époque.
Ainsi, hélas, les circonstances de l’ Histoire peuvent éclipser les splendeurs de l’ intelligence pure.